Du contrat social : Le pacte social - 3) La formule du pacte

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Extrait :

Si donc on écarte du pacte social ce qui n’est pas de son essence, on trouvera qu’il se réduit aux termes suivants. Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout.

À l’instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d’association produit un corps moral et collectif composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. Cette personne publique qui se forme ainsi par l’union de toutes les autres prenait autrefois le nom de Cité, et prend maintenant celui de République ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres État quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables. À l’égard des associés ils prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en particulier Citoyens comme participants à l’autorité souveraine, et Sujets comme soumis aux lois de l’Etat. Mais ces termes se confondent souvent et se prennent l’un pour l’autre ; il suffit de les savoir distinguer quand ils sont employés dans toute leur précision.

Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat Social (1762), Livre I, chapitre VI, Classiques Garnier, 1989, p. 257-258.


Questions : 

1. "Si donc on écarte du pacte social ce qui n’est pas de son essence, on trouvera qu’il se réduit aux termes suivants. Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout. À l’instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d’association produit un corps moral et collectif composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté."

a) Quelle différence faites-vous entre le concept de personne juridique, l'individu physique et la personne morale : être une personne juridique, est-ce être nécessairement un individu concret ?

b)  Qu'est-ce qui définit une personne juridique ? Quelles sont les conséquences juridiques de cette définition ?

c) Par quel moyen un peuple peut-il former sa propre unité dans une même personne, dans un même corps fictif, celui de l'État, et ainsi acquérir une puissance de volonté et d'action qu'aucun des membres de ce peuple ne pourrait avoir séparément ?

d) Essayez de décrire concrètement cette transformation abstraite d'une multitude concrète en une entité abstraite : faut-il un lieu, une assemblée, une réflexion, un discours, un texte, des symboles, une mémoire ou une forme d'instruction commune ?

2. Le philosophe du langage ordinaire, J. L. Austin est connu par son ouvrage Quand dire, c'est faire (1962) - dont le titre original en anglais est How to do things with words (littéralement, comment faire des choses avec des mots) - et connu aussi pour la distinction entre les énoncés constatifs (je constate ou décrit un fait par le langage : "il fait beau", "tous les corps tombent en chute libre accélérée", etc.) et les énoncés performatifs, qui engendrent des faits, qui créent de nouveaux états de choses, du simple fait qu'on les prononce : par exemple, quand le maire énonce "je vous déclare mari et femme", cela fait passer deux fiancés à l'état de mariés.

Austin remarque que le succès d'un énoncé performatif dépend d'un contexte symbolique ou institutionnel où il doit être produit pour devenir effectif : il ne suffit pas que quelqu'un qui n'est pas maire dise, à deux personnes dans la rue "je vous déclare mari et femme", pour qu'elles le deviennent.

a) En quoi  le contrat social, ou contrat d'association, résulte-t-il d'un énoncé performatif, et quelles sont les conditions de son succès, pour qu'il soit effectif, dans la mesure où c'est lui qui créé la première institution ?

b) Comparer la déclaration du contrat social avec l'institution mythique par Athéna du tribunal civique d'Athènes, dans les Euménides, d'Eschyle.

c) En quoi le concept de volonté générale est-elle fondatrice en droit, d'un point de vue juridique et philosophique de la démocratie ? Pour construire votre réponse, appuyez-vous une une définition de la démocratie.

d) En quoi la liberté du corps politique prend-elle ici la forme de l'autonomie ?

e) Celle-ci est-elle uniquement collective ou bien peut-elle être aussi individuelle ?

f) Pourquoi peut-on parler non seulement d'une volonté commune et d'un moi commun, qui sont définis abstraitement par la fiction de la personnalité juridique, mais aussi d'une vie commune, d'une communauté d'affects, dans cette identification concrète des membres au corps politique et juridique commun qu'ils constituent ensemble ?

3. "Cette personne publique qui se forme ainsi par l’union de toutes les autres prenait autrefois le nom de Cité, et prend maintenant celui de République ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres État quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables. À l’égard des associés ils prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en particulier Citoyens comme participants à l’autorité souveraine, et Sujets comme soumis aux lois de l’État. Mais ces termes se confondent souvent et se prennent l’un pour l’autre ; il suffit de les savoir distinguer quand ils sont employés dans toute leur précision."

a) Cherchez des exemples où la République est prise dans son sens passif d'État, et dans son rôle actif de Souverain.

b) Pourquoi la République n'est-elle qu'une puissance quand on la compare à ses semblables ?

c) Qu'est-ce que cela dit de la notion d'un droit international, dans la réflexion sur les principes du droit politique qui est ici celle de Rousseau ?

d) Un citoyen participe à l'autorité souveraine : est-ce seulement au moment de l'institution originaire de la République par le Contrat social, ou bien est-il amené à l'être ensuite ?

e) Quand on est citoyen, on est en même temps sujet : peut-on éprouver en soi-même des tensions, vouloir comme citoyen ce qu'on ne souhaite pas comme sujet, ou l'inverse ? 

f) Peut-on être sujet, soumis aux lois de l’État, sans être citoyen ? Donnez des exemples, et vis-à-vis des sujets qui ne sont pas citoyens, quelle peut être la responsabilité de la volonté générale de la République ?


Sujet de réflexion :

L'acte du contrat social permet-t-il d'expliquer l'origine de toute forme d'État, juste ou non, ou bien de fonder le seul type d'État légitime, la République ?

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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